Souvenir de création. Frédérique Cambreling, harpiste.
Entretien
À l’occasion des 40 ans de l’Ensemble intercontemporain en 2016-17, nous avons demandé à chaque soliste de nous faire part d’un souvenir marquant de création. C’est Frédérique Cambreling, harpiste, entrée à l’EIC en 1993, qui livre le premier « souvenir de création » de cette série qui nous accompagnera jusqu’au trois concerts anniversaire, les 17, 18 et 30 mars 2017 à la Philharmonie de Paris.
> Création de SIMPLEXITY la beauté du geste (2015-2016) pour cinq musiciens et cinq danseurs de Thierry de Mey, le 20 mai 2016 au Kaaitheater de Bruxelles
L’une des créations qui m’aura le plus marquée restera la préparation de SIMPLEXITY la beauté du geste de Thierry De Mey, pour cinq musiciens et cinq danseurs. J’ai toujours rêvé de participer à un projet de cette envergure, d’être impliquée dans une fusion de diverses expressions musicales, gestuelles, chorégraphiques ; fusion dont la quintessence, résultat de cette alchimie, serait d’une grande ingéniosité et d’une extrême exigence !
Sans en faire étalage, Thierry de Mey prend le temps de connaître, d’apprécier et d’évaluer les talents des artistes qu’il a choisis. Le travail est donc très évolutif. Cette façon de faire ne m’était pas familière : dans notre métier de musiciens, nous sommes soumis, d’une part, à une pratique dirigée sur un matériau déjà abouti venant du compositeur et, d’autre part, à un timing de répétitions très, voire trop serré. Dans le cas de ce spectacle, l’aspect chorégraphique était en permanence remis en forme, au fur et à mesure de la composition musicale… contrairement au paradigme habituel qui veut que la chorégraphie s’adapte à un matériau musical déjà existant et pensé en amont. Thierry De Mey utilise également les capacités d’improvisation des danseurs comme des musiciens : cela lui permet d’associer de manière judicieuse tous les artistes qui se sentiront naturellement bien ensemble.
Cette façon de procéder m’a fait perdre toute notion de temporalité, et ces séances de préparation m’ont rendue très heureuse : je n’avais « plus » le sentiment de pratiquer un métier (bien que ce soit de cela qu’il s’agit), je me sentais presque revenir à un état d’enfant qui découvre de nouveaux terrains de jeux sans être jugée, jaugée ou épiée… Je crois que la conception évolutive de ce spectacle est unique en son genre.
Photos © Franck Ferville
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